Willard



From: Michel SIMIAN Subject: Re: l'horreur.... Date: Fri, 01 Aug 2003 09:20:11 +0200 Antoine Bellot a écrit: > Walter Kurtz a écrit: > >> J'ai observé un escargot qui rampait le long du fil d'un rasoir. C'est >> mon rève. C'est mon cauchemard. Ramper, glisser, le long du fil de la >> lame d'un rasoir, et survivre... > > > Dans cette chambre cloîtrée, le temps est déjà éparpillé, dilué, d'une > infinie langueur. Allongé sur sa couchette, Willard, regarde au loin, > par delà le plafond son horizon broyé par le ventilateur, l'esprit > envahi par le spectacle immense de la forêt en flammes. Il n'est que la > viande attendant l'aveugle travail du hachoir, le lent festin des vers. > Il ne peut qu'attendre que son heure vienne. > > Sa mission est de partir là-bas, au fin fond de territoires immenses de > la Clientèle, relever l'un des siens, un sysad qui a échappé à tout > contrôle, qu'il n'est plus question de récupérer. Il sait déjà que cela > finira mal : "Raconter l'histoire da Walter Kurtz, c'est raconter la > mienne". > > Willard en prendra conscience pendant son long voyage le long de la > jungle des serveurs, progressant silencieusement dans les méandres des > lianes Ethernet, serpentant au long de workflows alanguis, redressant de > ci de là, un processus rendu à sa nature sauvage. > > Willard est notre témoin progressif de l'enfoncement vers l'irréel, > d'une folie qui, telle la poussière des plus grand incendies, contamine > chaque centimètre de câble, mine les esprits, renvoie les plus hauts > exécutifs à leurs instincts les plus primaires. > Depuis 2 mois, Willard étudiait la psychologie de son objectif. Les photos jonchaient, éparses, dans cette chambre. Certaines étaient déchirées, tordues, tâchées. Willard n'avait pas supporté l'idée d'en finir avec un congénère. Presque un ami, maintenant qu'il l'avait tout vu, lu, écouté sur lui. Qu'il avait investi la vie privée et l'intimité de cet homme, pour mieux le cerner. Pour réussir sa mission. Pourquoi avait-il trahi ? Pourquoi avait-il craqué ? Des rapports réguliers arrivaient alors de l'Ingénieur Commercial de la zone Clientèle. "reprenez moi cet huluberlu" disait en susbtance le chef de ces Territoires, dans chacun de ses rapports. "il part en vrille", "il satisfait tous les désirs des Clients", "il n'adhère plus au Projet d'Entreprise" etaient les griefs les plus répandus. Mais, et Willard le savait, un seul de ces griefs comptait. Une toute petite phrase perdue dans l'immensité de l'incompréhesion du Chef : " Il a imprimé 2817 exemplaires de la GPL" Cette phrase serait un indice, une route pour aller le chercher. Willard avait parfois envie de dire "le rejoindre". Dans la moiteur de la chambre, Willard prenait encore quelques minutes de repos. Son sac était prêt. Il l'avait vérifié maintes fois. Le Dell portable, les batteries de rechange, la carte topographique du réseau. Des biscuits, de l'eau, quelques canettes de Guinness. Il se leva, sûr de lui, prêt à affronter le Réseau et Les Clients pour sauver un homme. Date: Fri, 01 Aug 2003 21:53:39 +0200 From: Antoine Bellot Subject: Re: l'horreur.... Michel SIMIAN a écrit: > " Il a imprimé 2817 exemplaires de la GPL" > > Cette phrase serait un indice, une route pour aller le chercher. Willard > avait parfois envie de dire "le rejoindre". Intérieur, jour : Dans une chambre d'hôtel sordide près de la Gare de Lyon : Willard (Voix Off) "Merde. Je suis encore dans cet hôtel de merde. Chaque fois je rêve et je pense que je vais me réveiller, me retrouver dans la salle machine. Pendant mes premiers congés, deux ans après mon arrivée dans la jungle électronique, c'était pire encore. Je me réveillais le matin comme tout le monde, et il n'y avait rien, rien autour de moi... Je n'échangeais plus un mot avec elle, jusqu'au moment où j'ai dit simplement "oui", lorsqu'elle m'annonça qu'elle me quittait." J'attends depuis une semaine maintenant cette mission. Chaque minute d'inactivité qui passe réduit mes capacités, me rouille. Mes doigts perdent leur adresse, leur vitesse : mon esprit perd ses réflexes. Et à chaque minute qui passent les autres là-bas deviennent plus forts. Je veux aller encore une fois là-bas." On frappe à la porte : -"Willard, vous êtes-là ?" -"Ouaips." On l'appellait pour cette mission après laquelle il n'en voudrait plus jamais d'autre. -"Je dois vous escorter au QG-Op, Arche de la Défense." -"Sous quel chef d'accusation, je vous prie ?" -"Pardon, Monsieur ?" -"Je plaisante..." Intérieur, jour : QG-Op La Défense. Le coin le plus sordide de France. Des kilomètres de bitume enserraient de leurs méandres zébrés trois niveaux de béton précontraint entre lesquels erraient les zombies, le teint pâle, le costume impeccable, le regard rivé sur un horizon entrecoupé de jets de verre et d'acier brut déchirant le ciel. à l'ombre d'une tour décrépite construite autrefois pour fêter l'avènement du millénaire à venir, de sordides estaminets alignaient leurs tables clonées de marbre plastique, offrant aux habitants de la sordide cité jambon saumuré et bière industrielle. La caméra recule révélant la fenêtre anonyme d'une tour face à la Grande Arche au travers de laquelle le feu d'un soleil naissant teinte de jaune irisé les volutes nauséabondes expirées par la ville qui s'éveille. Deux civils anonymes interrogent Willard. -"Vous avez longtemps travaillé seul en clientèle, n'est-ce pas ?" -"Oui, monsieur." -"Votre CV précise que vous avez travaillé au sein des divisions financières, ainsi qu'à l'optimisation des processus de production de l'entreprise, opérations extérieures." -"Je n'ai pas l'autorisation d'aborder ces questions avec vous, monsieur." -"Avez-vous déjà participé à des opérations de réduction d'effectifs ?" -"Non, monsieur." -"N'ETES-VOUS PAS A L'ORIGINE DU RENVOI du Directoire de QuangTech et du démantèlement de son service, le 30 février 1968 ?" -"Monsieur, je n'ai jamais entendu parler de cette opération. Je ne suis d'ailleurs pas désireux de participer à des telles opérations à supposer qu'elles existent." -"Et cette brûlure, sur votre main droite ?" -"Un petit accident de cuisine... tout va bien maintenant." -"Connaissez-vous Walter E. Kurtz ?" -"De nom, sans plus..." -"Veuillez maintenant prendre connaissance de cet enregistrement réseau, je vous prie." Le second civil appuie sur la télécommande du videoprojecteur : sur le mur derrière eux, face à Willard, apparaissent la transcription de trames capturées : 22.192870 00000000.7f04008247a0 -> 00000000.Broadcast IPX SAP General Response:CDATA:J.AI.OBSERVE.UN.ESCARGOT.QUI.RAMPAIT.LE.LONG.DU.FIL.D. UN.RASOIR.C.EST.MON.REVE.C.EST.MON.CAUCHEMARD.RAMPER.GLISSER.LE.LONG. DU.FIL.DU.RASOIR.ET.SURVIVRE. ILS.DISENT;QU.IL.FAUT.REDUIRE.LES.COUTS.TAILLER.TRANCHER.CHAQUE.SERV ICE.CHAQUE.ETAGE.ET.ILS.ME.NOMMENT.LE.TUEUR.QUI.SONT.DONC.CEUX.QUI.OR DONNENT.AUX.OPERATEURS.DE.REDUIRE.LES.COUTS.ILS.MENTENT.ET.JE.DOIS.A VOIR.PITIE.DE.CEUX.QUI.MENTENT.JE.LES.HAIS.HO.COMME.JE.LES.HAIS. -"Kurtz était certainement l'un des plus brillants ingénieurs de production que nous ayons jamais recruté. Humaniste, brillant, meneur d'homme né, il a très rapidement rejoint le corps des opérations spéciales." Le second anonyme intervient à son tour : -"Il vit désormais reclus au sous-sol, au fond du réseau, avec son équipe d'opérateurs, qui le vénèrent comme un dieu, et suivent toutes ses instructions, aussi ridicules soient-elles." Le premier reprend : -"Je crois devoir vous préciser qu'il était sur le point d'être renvoyé pour destruction de la base de données d'un de nos meilleurs clients." -"Je ne vous suis pas" reprend Willard "Il aurait détruit quoi ?" -"Kurtz a ordonné le renvoi de techniciens fournis par nos partenaires fournisseurs, qu'ils considérait comme nuisibles à l'intérêt de son client et aux nôtres. Il a ensuite procédé au reformatage des serveurs de production de notre client, et s'est retiré avec ses hommes dans le méandre des passages de fibres du sous-sol." -"Voyez-vous, Willard, dans notre métier, les esprits s'échauffent, les idées s'entrechoquent. L'ambition, l'argent, les idéaux sociaux, notre morale et les considérations pratiques de survie économique s'emmêlent. Nos clients sont naïfs, vous le savez. La tentation d'être pris pour le sauveur, un génie de l'informatique, est très forte, là-bas, chez ces paysans ignares. Il y a toujours en chacun de nous un conflit entre nos sentiments, et une approche strictement pragmatique. Chacun de nous doit un jour atteindre son point de rupture, passer une étape. Vous et moi l'avons déjà atteint, je crois. Kurtz, également, mais il ne l'a pas supporté. Il est devenu fou." -"C'est clair, en effet." -"Votre mission consiste donc à suivre la trace de Kurtz et tenter de rallier son équipe. Rapportez-nous tous les renseignements que vous trouverez le long de votre équipée. Lorsque vous serez parvenu à rejoindre Kurtz, faites ce qui est nécessaire pour mettre fin à ses fonctions." ***** Allez : patate chaude ! ***** -- Antoine Bellot From: Michel SIMIAN Subject: Re: l'horreur.... Date: Sat, 02 Aug 2003 07:16:52 +0200 Antoine Bellot a écrit: > -"Votre mission consiste donc à suivre la trace de Kurtz et tenter de > rallier son équipe. Rapportez-nous tous les renseignements que vous > trouverez le long de votre équipée. Lorsque vous serez parvenu à > rejoindre Kurtz, faites ce qui est nécessaire pour mettre fin à ses > fonctions." > "Ce coup-ci, c'est parti", se dit Willard. - "Vous rendre compte à nous, et UNIQUEMENT à nous." - "Vous ne sortirez pas d'ici SANS NOTRE ACCORD", hurla presque le 2eme homme. - "Puis-je prendre avec moi mes collaborateurs habituels ?" - "Vous pensez à qui ?" - "Je vous demande si je peux les prendre ...." - "Cette mission est secrète, faut-il le rappeler ?" trancha le premier civil sur un ton un peu ferme. Willard le regarde, étonné. Puis, une idée lui vient à l'esprit. Une idée, ou une peur ... - "Avez-vous expliqué mon départ à mes équipes ?" - "Oui." - "Que leur avez-vous dit ?" - "Ce n'est pas votre problème..." Désormais, Willard savait qu'il devait réussir. Ils avaient préparé le terrain de son départ. Peut-être dit à ses collaborateurs qu'il avait craqué aussi. Peut-être déjà choisi son remplaçant. Donc, c'est Kurtz ou lui. Le premier bonhomme reprend : - "Vous comptait faire comment ?" Du tac au tac, Willard invente un mensonge : - "Il me semble que dans ce cas, qui pue la paranoïa, Kurtz va vouloir s'attaquer à ce qui représente la nouveauté, la modernité, la mise au rencart des vieux. A mon avis, pour lui, les nouvelles géénrations de bécanes et les logiciels associés sont des représentations de l'ultra-libéralisme qu'il faut abattre. C'est là que je l'attendrais" - "Mwouais.... ca se tient.. ca me paraît finement réfléchi". - "Trop d'honneur..." - "Allez, foutez le camp. Et ABATTEZ MOI CE SALOPARD" La porte s'ouvre, et on vient le chercher. On l'amène devant un ascenseur, qui descend au sous-sol. Il en sort seul. Il respire un grand coup. Son plan était mûr, dans sa tête. Heuresement qu'il ne l'avait pas dévoilé aux 2 cerbères de là-haut. Willard avait repéré, dans la topographie du réseau, un vieil équipement HP9000-375, sous HPUX 8.1. Il avait l'idée qu'un sysad de la génération de Kurtz avait dû démarré sur ce type de machines. Bien avant de passer sur leurs PC NT ou linux.. Et Willard pensait que si il pétait les plombs, il se rapprocherait des machines de ses premiers shells... En plus, ces vieux trucs, plus personne ne savait comment ça marchait, et ça en faisait sûrement une planque idéale. Mais il fallait retrouver physiquement la machine. Willard cherche des yeux une prise RJ45, en trouve une derrière un pilier de faux-plafond, y branche son portable. - "Ouf, c'est bon... elle pingue et on peut faire du telnet...Mais comment la retrouver ?" # pffft, chaud, chaud la patate :) -- L'Amer Michel



Fiche mise à jour le 17 octobre 2003
Thomas Nemeth