DÉLIRIUM TRÈS MINCE

- Par Thomas Nemeth -
Chapitre 6
La porte étoilée

Suivant les conseils de Peau et Belle, nous continuons vers l'ouest afin de trouver le donjon qui nous préoccupe et nous permettra de délivrer les enfants perdus retenus prisonniers derrière une porte spatio-temporelle par l'infâme Capitaine Crochet.
Depuis le château de Belle Aubois-Dormant il ne nous a fallu qu'une heure pour atteindre le donjon. En plein milieu d'une clairière, isolé dans la forêt, il se dresse devant nous, menaçant comme bobonne un soir de murge.

« Bon bin yapluka rentrer dedans et trouver la porte. »

Visiblement la tour est à moitié en ruine. Pénétrer à l'intérieur se révèle toutefois plus difficile. Il faut passer à travers un taillis de ronces et passer par-dessus n'est pas possible : le toit est bien en place. De plus les trous aux endroits où le mur est percé ne sont pas assez grands pour nous y faufiler.
Je sors donc l'épée et commence à entailler tout ce qui dépasse à tours de bras. Peter me suis... À distance. Lever cette épée demande un effort incommensurable : la poudre de fée en est un peu partie avec le temps et les intempéries. Un coup trop fort et l'épée va se planter et bien se coincer dans un tronc de roncier trop gros pour elle. Hop, une petite pause pour remettre un peu de poudre dessus et je reprends le travail.
J'en ai marre. Je passe l'épée à Peter qui prend son tour. Le travail avance alors que je le regarde, alongé dans l'herbe. Il arrive au bout et la porte de la tour est enfin accessible. Sans perdre de temps nous entrons à l'intérieur. En face il y a une autre porte, et sur le côté droit, commence un escalier en colimaçon.
J'ouvre la porte d'en-face et nous tombons ébahis devant ce que nous voyons. Nous avons perdu du temps pour des prunes : la porte de derrière donne sur la forêt à travers un couloir fraîchement taillé dans les ronces. Bizarrement on remarque un tronc de roncier dans lequel un instrument contondant comme une épée mal taillée a fait une entaille épaisse. Un peu comme celle que j'ai moi-même faite quelques dizaines de minutes auparavant.
Encore plus bizarre : il semble que ce soit la même vue que l'on regarde par l'une ou l'autre porte. Intrigué, mais pas étonné, je me retourne vers Peter qui est en train de faire des pompes et des abdos au centre de la pièce.

« Mékestufou ??? On a encore du boulot ! Faut grimper là-haut : visiblement c'était pas cette porte-ci !
- Bin rien : je m'entraine pour la compète de natation la semaine prochaine.
- Et tu crois que t'as vraiment rien d'autre à faire en ce moment ??? Bon ! Traçons ! »

Nous montons les escaliers quatre-à-quatre, moi devant, lui derrière. Cette andouille se déplace en volentant et en tenant son coutelas bien tendu en avant au cas où. Mais il ne fait que me le planter dans les fesses ! Je le fais passer devant.
Nous avançons dans le noir, mis à part quelques trous dans la muraille qui laissent passer la lumière du jour. Puis un brin de lumière plus claire se laisse entrevoir quelques mètres plus haut.
La lumière vient en fait d'une pièce dans le dernier tiers de la tour. Une porte ronde avec une vitre par laquelle passe la lumière est placée en plein milieu de la salle. Après avoir fait le tour de la porte il n'y a rien derrière qui produise cette lumière. Elle vient donc de la porte elle-même ou de la vitre qu'elle a en son centre.
Je m'approche pour tenter de l'ouvrir, mais la poignée résiste. Je m'acharne dessus, poings, pieds, épée : tout y passe et elle ne s'ouvre pas. Peter et moi tentons de faire bélier mais dans notre élan, le pommeau de l'épée, qui était accrochée dans mon dos, vient frapper la vitre de la porte faisant un petit éclat dans le verre.

« Merde ! S'exclame Peter. On a failli la péter.
- J'te l'fais pas dire.
- Faut trouver autre chose pour l'ouvrir.
- Sans blague ? T'as trouvé ça tout seul ?
- Oh, ça va hein !
- Tiens... Regarde, là. On dirait qu'il y a une inscription sur le montant de la porte. J'arrive pas à lire cette écriture, mais tu devrais pouvoir.
- C'est du Klingon. Ça dit : Access denied. Try the magic words.
- Les mots magiques ?
- Abracadabra !
- Bin non : ça fait rien.
- Quoi d'autre ?
- Chais pas... Seigle : ouvre-toi !
- Non... Je crois que c'est presque ça... Avoine : ouvre-toi !
- Non plus. À mon tour ! Sarasin : ouvre-toi !
- Toujours rien. Qu'est-ce qui reste ? Blé : ouvre-toi !
- Fait chier ! Saloperie de porte de mes deux ! Attends... Je crois que je l'ai : Sésame, ouvre-toi ! »

FLUSSHHH. La porte s'ouvre de manière grandiloquente, laissant entrevoir une espèce de surface liquide bleuâtre.

« Chais pas pourquoi, mais je pense que c'est bien la porte spatio-temporelle.
- Ouais. Faut passer à travers.
- Pourvu qu'on se casse pas la gueule de l'autre côté ! »

Je passe et il me suit.
Nous atterrissons ensemble sur un tas de sable, dans un couloir en pierres. Celles-ci sont tellement grandes que certaines ne sont que d'un seul tenant du sol au plafond (qui doit bien être à 4 ou 5 mètres en hauteur). Les murs sont recouverts de bas-reliefs et autres sculptures en un savant mélange de culture égyptienne, asiatique, indoue, boudhiste, aztèque et maya. Mais ce n'est pas tout. Il y a comme un air de non-humain dans l'architecture. Des angles bizarres, des figures abominables. Nous nous dirigeons vers ce qui nous semble être la sortie.
Là, sur les montants en pierre de la porte de la hauteur du plafond, une inscription dans la même langue que de l'autre côté de la porte spatio-temporelle. Peter la lit :

« Vous qui passez cette porte, prenez garde à ne pas vous écarter du chemin qui vous est fixé. Les grand anciens vous surveillent et n'attendent de vous qu'un faux pas pour se manifester.
- Houlà ! Ils ne semblent pas plaisanter par ici.
- Non. Il est aussi écrit que nos âmes seront emportées par Cthulhu dans la cité de R'lyeh sous l'escorte de Sub-Niggurath.
- C'est là qu'on va ?
- Je ne crois pas.
- Bon bin alors faut les éviter.
- Oui. D'autant plus qu'ils ne sont pas seuls apparamment. »

Nous sortons prudemment de l'édifice qui se tiens au milieu de nulle part, entouré d'un désert de sable à perte de vue. C'est une grande tour carrée avec le couloir par lequel nous venons de sortir se trouvant à l'extérieur. Au-dessus de nous, la lune est très proche. Non, ce n'est pas la lune, c'est beaucoup plus vert et bleu : c'est une planète ! Nous ne sommes plus sur la terre !
Alors que nous restons bouche bée devant ce spectacle, un bruit sourd de métal froissé retentis derrière nous. Nous nous retournons d'un seul mouvement et nous tombons nez à nez devant un truc planté dans le sable à quelques centimètres de nous à pic de la porte.

« Désolés, nous ne vous avions pas vu ! »

Nous levons à nouveau la tête, mais cette fois-ci pour regarder le sommet du couloir, au-dessus de la porte. Un type habillé d'un costume doré nous parle.

« C'est pas de sa faute : il est suicidaire. »

Nous posons à nouveau les yeux sur le machin qui nous est tombé dessus : c'est en fait un robot dont la tête est plantée dans le sable. Enfin, tête n'est pas le bon terme. Remis debout, il ressemble à un fût de bière blanc avec un dôme à la place de la tête et des pieds à roulettes.
Le type qui est en haut descend. En fait c'est aussi un robot. Nous l'aidons à désensabler l'autre.

« Je me présente : je suis Z6-C3-PO. Et lui, c'est R2D2.
- Qu'est-ce qu'il a ? S'enquit Peter.
- Il est suicidaire. C'est est un robot protocolaire et il s'est rendu compte que j'étais le seul à le comprendre.
- Pourquoi ?
- Il ne sait pas s'exprimer. »

Je lui demande :

« Et vous avez pensé à lui faire faire des exercices ?
- M'en parlez pas : des histoires de chaussettes et de duchesses, de chasseurs et de chiens, et je crois même de saucisson sec.
- Ah ! J'ai une idée. R2 ? Essaye de répéter après moi : grep s'aggrippe aux regexp.
- bip bidip bidibip bip.
- Mouais. C'est pas ça qui va aider. À mon avis la seule solution est la greffe de synthétiseur vocal.
- C'est pas possible : il ne supporte pas la douleur des opération à coeur ouvert.
- C'est con pour lui.
- Oui. Mais au fait, que faites-vous ici ?
- Bin on cherche où Crochet à bien pu planquer les enfants perdus. Et on sait même pas où on est.
- Vous êtes sur Tatoïne.
- Ah ! Et là-haut c'est quoi ?
- C'est Aïur. Et de l'autre côté, couchée à l'heure actuelle, il y a Tarsonis. Aïur est habitée par les Protoss, mais ils sont en train d'être envahis par les Zergs. C'est la guerre là-bas.
- Bon bin on n'y mettra pas les pieds. À part ça, vous auriez pas vu un type affublé d'un crochet et trimbalant une tripotée de mioches ?
- Non, rien, et toi R2 ?
- bidibip bip bip bibip.
- Quoi ?
- Il a dit qu'il avait vu un type correspondant à cette description revenant de la cité d'Hypérion.
- C'est dans quelle direction ?
- Au nord-nord-ouest pendant une heure, puis quand vous rencontrerez les montagnes Hallucinées, vous prendrez à l'est. Vous y arriverez en trois heures.
- Merci ! À plus...
- Ciao ! Crie Peter, déjà loin. »


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Fiche mise à jour le lundi 12 novembre 2001.
Thomas Nemeth
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