DÉLIRIUM TRÈS MINCE

- Par Thomas Nemeth -
Chapitre 5
Le château brillant

Le soleil commence à poindre alors que nous nous arrêtons pour faire une pause.

« Bon. Elle est où cette porte spatio-temporelle ?
- À l'ouest.
- À l'ouest ?
- Oui : elle est assez vieille.
- Et ?
- Et à l'ouest, rien de nouveau.
- si tu le dis. Va pour l'ouest. Mais y en a marre de se déplacer en volant.
- Ok ok... »

Au bord de la route, le trafic n'est pas très dense. On peut même dire qu'il n'y a pas un chat. Du coup, faire du stop nous prend assez de temps avant que nous décidions d'abandonner.
Nous nous apprêtons à repartir lorsque finalement une voiture se présente. Peter se met au milieu de la route et l'autre freine comme un malade pour ne pas l'écraser. L'odeur des pneus grillés --- ça sent moins bon que la viande grillée, mais il s'est arrêté avant d'écraser Peter --- emplis nos narines. Je sors mon épée, m'approche de la portière du conducteur, l'ouvre et... Et m'installe du côté passager : c'est une voiture anglaise.
L'épée sous la gorge, je le fais sortir de la bagnole. Peter lui ajoute quelques coups de pieds au cul et nous partons en trombe dans un crissement de pneus à faire passer le crissement de la craie sur un tableau noir pour une mélodie de Bach.

« Peter, t'as ton permis ?
- Non, pourquoi ?
- Comme ça. C'est la deuxième fois que je monte avec quelqu'un qui conduit sans permis : ça craint. T'imagines si on se fait piquer par les flics ?
- On improvisera. »

On file à toute allure vers l'ouest. Le soleil tape fort maintenant et j'ai pas mes lunettes de soleil. Tout à coup un grand bruit survient et la voiture part dans tous les sens. Un pneu vient d'éclater. Ça devait arriver. Nous faisons des embardées. J'ai l'impression que ça ne va jamais s'arrêter. Le temps s'alonge. Fait chier, Einstein, avec sa théorie de la relativité ! La voiture finit par s'immobiliser sur le bas côté, forcée de s'arrêter par une souche d'arbre, manquant de nous projeter à travers le pare-brise.

« Faut continuer à pied.
- Ouais... C'est encore loin ?
- Bin... C'est difficile à dire : je ne vois aucun panneau indicateur.
- Pourquoi ? C'est sensé être indiqué ?
- J'y comptais bien.
- Hein ? Ça veut dire que tu ne sais pas où c'est ?
- Pas vraiment. Je sais que c'est à l'ouest, dans un donjon, et que la clef nous montrera le chemin.
- Ça nous avance vachement ton truc !
- Continuons encore quelques temps : je suis sûr que nous saurons quand nous serons arrivés.
- Bon d'accord. Mais comment on y va ?
- Bin à pied, non ?
- Hum... Je crois que j'ai une meilleure idée : toi, tu voles, et moi... Bin je vole aussi. »

Sur ce, je sors Sonnette de sa cage en verre et je lui ordonne :

« Sonnette, je veux des ailes.
- ...
- Sonnette, donne-moi des ailes.
- Elle est trop petite ! Me fait Peter.
- Comment ça trop petite ?
- Bin oui : sa voix est proportionnelle à sa taille. Il faut que tu la mettes à ton oreille.
- Aaahhh... Ok ok. »

Je la porte à mon oreille et, d'une voix faible, je l'entends me répondre :

« Tu veux pas cent balles et un Mars ?
- Saloperie de fée au rabais !!! »

Et hop je me la tamponne un peu partout pour me mettre de sa poudre et la rebalance dans sa cage de toutes mes forces. Pour le coup, la fée Sonnette est sonnée.
Nous nous envolons donc, Peter avançant naturellement, et moi, toujours avec ma superbe brasse non coulée. Au bout de quelques minutes, il a pitié de moi et me tend une corde par laquelle il va me tirer. Je continue tout de même à battre des pieds pour l'aider et à étendre les bras pour garder l'équilibre au cas où je me retournerais : j'ai pas envie de me retrouver le ventre en l'air comme les poissons morts et me prendre un coup de soleil sur le visage à cette heure-là.
Le temps passe et mon estomac commence à me faire des misères. J'ai la dalle grave ! Faut dire que la dernière fois qu'on a mangé, nous étions chez les ours, il y a deux jours pile-poil. Et oui. Pile poil : la nuit commence à tomber et on va encore coucher dehors. Mais il y a toujours suffisament de lumière pour nous diriger encore quelques dizaines de minutes et nous décidons de continuer.
Bien nous en a pris car nous arrivons à un château. Ou du moins ce qui y ressemble. En effet : il est entouré de ronces, de fourés impénétrables. En en faisant le tour, nous découvrons un pont-levis abaissé et de la lumière au fond de la cour.
Nous y pénétrons et allons frapper à la porte du fond. Au bout de quelques minutes, on entend des bruits de pas, puis quelqu'un trifouiller la serrure. La porte s'ouvre sur une jeune femme élégament vêtue d'une robe de chambre.

« Bonsoâr... Nous dit-elle dans un baillement démesuré.
- Bonsoir mademoiselle. Excusez-nous de vous réveiller. Nous sommes perdus et nous nous demandions si nous ne pouvions pas passer la nuit chez vous.
- Moui... Je vais vous trouver une chambre.
- Merci beaucoup. »

Elle nous fait entrer, referme la porte et nous fait signe de la suivre. Nous longeons des couloirs : un vrai labyrinthe. Arrivés devant une porte, elle nous fait pénétrer dans une pièce.

« Voici votre chambre. Et il y en a une autre à côté.
- Merci mademoiselle... Mademoiselle ?
- Aubois-Dormant. Belle Aubois-Dormant.
- Et bien merci Belle. Mais serait-ce abuser que de vous demander si nous pouvons nous restaurer ? En effet cela fait plusieurs jours que nous n'avons rien mangé.
- Okééé... Suivez-moi, je vous emmène à la cuisine. »

Dans la cuisine elle nous sort un bon steak de boeuf grillé avec de la sauce au roquefort... Un vrai délice ! La viande ne fait pas long feu dans nos assiettes. Sur ces entrafaites, une autre jeune femme entre dans la cuisine.

« Alors chérie, qu'est-ce que tu fous ? Je t'attends au lit moi.
- Excuse-moi mon coeur, mais ces personnes avaient faim... Messieurs je vous présente Peau d'Âne.
- Bonsoir mademoiselle ! Faisons-nous, Peter et moi, en choeur.
- Bonsoir. Excusez-moi, mais je retourne me coucher. Tu viens vite chérie ?
- Oui. Tout de suite. »

Elle se retourne vers nous :

« Vous voulez autre chose à manger ? Nous avons de la Loupinette en gelée.
- Non... Sans façon, merci !
- Moi non plus ! »

Nous finissons de manger, et allons nous coucher dans nos chambres respectives tandis que Belle et Peau filent dans la leur.

« T'imagine ? De la Loupinette en gelée !
- Ouais... Ça doit pas être extra : c'est pas en gelée que ça se prend, de la Loupinette. »

Au petit matin je me réveille bien reposé. Je descends à la cuisine où je retrouve les deux filles dans une tenue légère et Peter devant un bol de café. Elles m'en proposent un que j'accepte avec joie. Une fois celui-ci fini, nous nous apprêtons à partir.

« Bon bin maintenant y plus qu'à trouver ce donjon.
- Un donjon font les deux filles ? Mais il y en a un vieux à pas loin un peu plus à l'ouest.
- Chouette. C'est sûrement çui-là. Merci pour tout mesdemoiselles... Au revoir !
- Au revoir, fais-je aussi.
- Au revoir, nous répondent-elles. »

Et nous partons dans la direction indiquée.


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Fiche mise à jour le lundi 12 novembre 2001.
Thomas Nemeth
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