L'autre soir Peter était tellement bourré qu'il n'avait pas remarqué je ne volais plus. Mais là, après notre course effrénée, il s'est douté d'un truc.
« Pourquoi tu voles plus ? Tu peux pas suivre le rythme en marchant !
- Oups... Désolé, mais j'ai pris une douche et j'ai plus de poudre sur moi.
- Heureusement que je t'ai dis de prendre la poche de Clochette. De toutes façons, maintenant nous avons une autre fée. Lis son nom, c'est sur l'étiquette de sa cage.
- Sonnette.
- Parfait. Sonnette : mets-lui de la poudre mais pas aux yeux. »La fée s'exécute et me voilà, flottant à nouveau dans les airs.
« Bon, t'es prêt ? Alors grouillons : il faut choper Crochet et lui reprendre les mioches. »
Nous repartons. Plus loin il y a une intersection. Nou apercevons deux panneaux désignant des directions. À droite il y a marqué « Mère-Grand, peaux de bêtes, cuirs, cochonnailles, maisons en paille, bois et briques » avec en dessous un écriteau : SOLDES. En face le panneau indique « vers Micelle : très long ». Je demande à Peter par où on prend.
« À gauche : on coupe à travers bois. Faut juste faire gaffe au loup.
- Boaf... Il saute pas si haut non ?
- Je crois pas, mais on sait jamais. »Nous poursuivons notre route, mais en suivant des sentiers à travers la forêt, plus dense et plus noire, celle-ci. On avance... On avance... Pendant des heures et des heures... Puis le sentier débouche sur une clairière.
« On peut faire une pause Peter ?
- Déjà ? Ça fait seulement une demi-heure qu'on est passé à l'intersection !
- C'est tout ? Merde alors ! j'ai cru qu'on était déjà le soir... Et si on s'arrêtait cinq minutes dans cette maisonnette au fond de la clairière ?
- Mouais... On pourrait leur demander de l'eau. »Nous nous approchons de la maison en pierre et en bois quand nous entendons des bruits suspects venant de l'intérieur. Je jete un oeil par la fenêtre et je tombe sur une vision d'apocalypse : une fille à la peau blanche comme la neige et les cheveux noirs comme l'ébène est en train de faire une partouze avec un, trois, cinq... non sept nains. Quel tableau !
« Rha ! Y s'font pas chier les nains... » Fis-je.
Nous repartons sans les déranger outre mesure en ayant pris soin de remplir nos gourdes avec l'eau de leur puits.
Encore avancer... Cette forêt n'en finit pas. Heureusement nous n'avons pas encore rencontré de loup. Mais le ciel commence à s'assombrir : il va bientôt faire nuit. Il serait temps de s'arrêter pour passer la nuit. Et même si nous y voyons encore suffisament, il nous faut trouver un abris car il va commencer à pleuvoir. D'ailleurs il pleut. Et je commence à me rapprocher dangereusement du sol car la pourde de fée part au lavage.
Coup de bol : une lumière droit devant. Nous nous dirigeons vers elle : c'est une maison.
« Encore une maison dans cette forêt ! Putain mais elle est vachement peuplée ta forêt Peter !
- T'inquiète, avec du bol on va se faire offrir à grailler et un pieu pour la nuit. »Il frappe à la porte... Personne. Coup de pot (encore), elle est ouverte et nous entrons. Et là, sous nos yeux, une table dressée. Et même très bien dressée puisqu'elle n'aboie pas lorsque nous entrons. Dessus, Trois assiettes avec de la soupe dedans. Rectification : deux assiettes avec de la soupe dedans et une vide.
Je m'approche de la plus grande : après tout je suis plus grand que Peter. La soupe est chaude... Trop chaude. Peter s'assied à côté de moi. Sa soupe est froide. Je préfère la chaude : il suffit de souffler dessus pour pouvoir l'avaler. Quand c'est trop froid, il faut la réchauffer et ça prend des plombes. Bref, nous finissons notre soupe. C'est pas qu'on est repus, mais ça soulage tout de même un peu.
Peter monte à l'étage et y trouve une chambre. Il y a une fillette dans un des lits. Mignonne avec ses boucles dorées. Je la secoue :
« Hé, qui es-tu ?
- Hein ? Quoi ? Quelle heure il est maman ? Déjà faut se lever ? J'ai pas envie d'aller à l'école : chuis malade.
- C'est quoi ces conneries ? Tu te réveilles petite ?
- Hein ? Mais... Mais... qui êtes-vous ?
- Chuis Thomas, et lui là-bas, c'est Peter Pan. Et toi, t'es qui ?
- Je suis Boucle d'Or.
- Non, sans blague ? Où sont tes vieux ?
- Chais pas : j'ma paumé et j'ai trouvé cette taule pour la nuit.
- Y avait personne ?
- Non. On dirait que les gens sont partis avec précipitation : ils ont même laissé leur soupe sur la table.
- Bon bin on va passer la nuit ici, nous aussi. Peter, tu prends ce lit, moi je prends le grand. »Sur ces entrefaites, nous nous couchons et tentons de nous endormir. Mais dehors l'orage gronde et il fait très lourd. J'ai beau me tourner et me retourner, j'arrive pas à m'endormir. Alors que Peter et Boucle sont déjà en train de ronfler à faire péter les vitres. Un vrai diesel mal réglé !
Mais finalement je finis par fermer l'oeil...
Tout à coup un vacarme assourdissant emplit la maison : un type est en train de beugler comme un malade en bas. Peter s'est réveillé lui aussi. Visiblement les proprios sont rentrés et ils sont pas très contents de l'état dans lequel ils trouvent leur cuisine. On entend des bruits de pas monter les escaliers quatre à quatre et un ours géant fracasse la porte. Il nous voit et choppe le premier à portée de main : en l'occurence c'est Boucle.
« Bon bin tchao mademoiselle d'Or, salut l'ours. Désolé pour le dérangement. Peter ? CASSOS ! »
Sur ce, nous mettons les bouts. Je saute par la fenêtre et Peter me suit, pas bien réveillé. Tellement peu réveillé qu'il en a encore la tête dans le cul. Je me retourne et regarde par la fenêtre. L'ours redescend en tenant Boucle par une jambe toujours en gromelant. Il se place devant l'oursone et fracasse la tête de Boucle contre la table, puis la tend à l'oursone :
« Tiens. Vide-la et mets-la au four. »
Écoeuré, je tourne les talons et nous décampons illico. Satanée forêt. En plus j'ai un de ces mal au dos ! Quelle idée aussi de dormir avec une épée dans le dos...
Finalement nous dénichons une grotte et nous y finissons la nuit. Au réveil nous secouons un peu Sonnette pour nous remettre un peu de poudre.
« Cette expédition tourne au cauchemar ! Il serait temps que ça se finisse. Allons récupérer les gnomes pour que je puisse rentrer chez moi.
- Nous ne sommes plus très loin de notre campement. Dans une heure nous y sommes.
- On y aurait été plus tôt si j'avais pas été obligé de voler au lieu de courir ! »
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Thomas Nemeth |